Le passage de Gibraltar, par Jérôme

15/07/2013 09:10

Le détroit reste , comme à l'aller, pour moi, un passage délicat. Je scrutais la météo depuis pas mal de temps. Les vents d'Est restaient constants avec parfois des pointes à 30 nœuds. Une petite fenêtre s'ouvre pour le mardi avec seulement 10/15nds à l'entrée du détroit. En prenant les bons créneaux de marée (6 heures favorables : 3heures avant la pleine mer, 3 nœuds de courant au plus fort), nous devrions passer au moteur sans trop de difficultés. Il est en effet inenvisageable de tirer des bords entre les cargos qui font route à 20nds.

 

Je bous, ce lundi : la grue ne vient jamais ! Une fois arrivée, il faut ressouder le support d'éolienne et remettre le pataras (filin qui tient le mat à l'arrière), tout deux enlevés pour cause de grue trop petite.

 

Finalement, Océanix prend la mer à 20h ce lundi. Plus de 150 milles nous séparent de l'entrée du détroit et nous risquons de rater la marée. Nous devons contourner le célèbre banc de Trafalgar, (je n'ai pas de bataille à y livrer, d'autres l'ont déjà fait avant nous) et il peut nous lever une mer désagréable.

Nous sommes à hauteur de Tarifa à 2h50 du matin le mercredi. Je gardais un mauvais souvenir de cet endroit avec ses tourbillons et l'effet venturi qui s'y concrétisent. Nous prenons effectivement 25 nds dans ce « jacuzzi » pour bateau. Les 80 chevaux du Perkins et le courant nous aident bien à passer et petit à petit les éléments se calment. Karine, après cette petite cure d'adrénaline, rejoint sa cabine, sereine.

 

Il est 5h30 du matin lorsque nous passons devant la baie d'Algeciras. Dans la pénombre du soleil levant, j'entends les dauphins communs accueillir de leurs sauts joyeux Océanix en Méditerrannée. Bientôt le rocher de Gibraltar s'embrase de lumière. Je réveille Philippine pour son quart mais surtout pour lui faire vivre ce moment de bonheur. Je sais que son regard de photographe en herbe apprécie ces images. A peine réveillée, elle immortalise avec quelques clichés les cargos au mouillage dans cette endroit mythique.

 

De l'autre coté, s'éloignent les côtes Marocaines. Pour la petite histoire, cela fait presque quinze ans qu'avec Karine nous essayons d'y aller. Mais chaque tentative a été infructueuse, nous retrouvant souvent à l'opposé de cette destination, par je ne sais quel stratagème (une fois en Italie, l'autre en Guadeloupe...). Cette fois-ci était la bonne. Nous devions nous arrêter à Ceuta, l'enclave espagnole, pour éviter les formalités fastidieuses des autorités marocaines, mais force est de constater que notre escale portugaise nous a fait prendre trop de retard. Décidément, le Maroc ne nous veut pas !!! peut être avons-nous raté un examen d'entrée ou avons-nous une tête qui ne lui revient pas... Tant pis pour les babouches on gardera nos tongs, de toute manière les plateaux en or on n'aime pas ça (et toc!) les djellabas y en a chez Monop, et enfin pour le couscous on se contentera du Garbit.

Allez, sans rancune, c'est promis on ira...mais quand?

 

Nous venons de quitter le détroit et la route des cargos. Nous allons longer la côte espagnole. Youpi !!! on est presque à la maison. Je peux désormais relâcher la pression et aller dormir.

 

P.S : pour ceux que le côté technique intéresse voici quelques explications sur le problème du safran.

 

Les Océanis ont des safrans suspendus où la mèche de safran est calée dans le tube de jaumière par deux bagues téflon, une en-dessous, l'autre au-dessus. Ces bagues avaient été changées en 2006 et le bateau était resté à sec jusqu'en 2010, donc pas d'usure. Pourtant en 2011 nous avions du sortir Océanix de l'eau car ces fameuses bagues avaient gonflé, bloquant quasiment la direction. Ce problème récurrent sur les Bénéteau est du à une mauvaise qualité de téflon m'avait-on dit. Vu l'âge des bagues, elles avaient été simplement retaillés car elles n'étaient pas disponibles chez le constructeur.

Ce qui nous est arrivé en mer, c'est que la bague supérieure a cassé et est tombée dans le tube de jaumière donnant ainsi énormément de jeu au safran. Vues les conditions de mer plutôt musclées je craignais que ce mouvement prenne de l'ampleur et casse le tube, engendrant ainsi une voix d'eau.

Dans notre malheur nous sommes bien tombés car le chantier de Portimao a fait un travail remarquable en un temps record. Ce que nous n'avions pu faire à Ajaccio, il l'ont réalisé en 4 jours. Je m'explique : le chantier est super bien équipé, notamment d'un tour qui leur a permis de refabriquer les deux bagues téflon et la grosse bague alu, évitant ainsi une commande chez Bénéteau qui nous aurait bloqué beaucoup plus longtemps.