Transat' 2013 : le retour !

11/06/2013 17:36

Comme le disent les vieux loups de mer , '' à trop regarder la météo, on reste au bistro''.

Après notre ''faux départ'', nous ne pouvions pas être plus prêts à partir et désireux de vivre enfin cette expérience qui devait être notre navigation la plus difficile. Parmi tous les batocopains, peu font le retour ( laissant le bateau en location ou le vendant aux Antilles ) et ceux qui le tentent le font rarement en famille : le capitaine prend des équipiers et le reste de la famille rentre en avion, option que nous avons nous d'ailleurs aussi envisagée. Personnellement, il m'était important de ''boucler la boucle'', et les enfants ont toujours été partants. Le retour a la réputation d'être éprouvant : il est long ( trois semaines ), le bateau est très gité et tape à l'avant. On dit de cette allure ( le près ) que c'est deux fois la route, trois fois la fatigue et quatre fois la douleur ! Avec tous ces bateaux disparus, la pression avait de quoi donc bien monter avant le départ....et pourtant, nous allons passer 20 jours qui vont plus tenir de ''la croisière s'amuse'' que de ''Speed 2 Cap sur le danger''.

 

Premier objectif : ne pas s'enliser dans la mer des Sargasses

A peine quitté Saint Martin, la mer change d'aspect. Des algues venues des abysses flottent en permanence , ce qui ne nous aide pas à pêcher car elles se prennent dans la ligne de traîne. Pas une journée sans que l'on voit flotter une bouteille de plastique. Nous remarquons des sortes des petits gobelets écrasés. Bizarre.... il y a en a beaucoup, et ils ont l'air colorés sur le dessus. Après recherche, ce sont de petites méduses. On n'a pas fini d'en apprendre, même au large. Nous passons à quelques milles d'un haut fond à 5 mètres dans les corner seamonts. Incroyable, on aurait pu jeter l'ancre en plein milieu.

 

Des débuts difficiles pour Fritz

Notre équipier allemand a beau avoir fait le tour du monde à vélo, être monté à plus de 7000m et avoir dormi par -40°, il n'est pas amariné et les premières vagues vont lui renverser l'estomac. Il lui faudra deux jours pour accepter d'avaler quelque chose et douze pour dormir à l'intérieur. Il a en effet élu domicile dans le cockpit avec son duvet d'où il peut faire un maximum de surveillance la nuit. A présent, Philippine participe aussi aux quarts de nuit. A cinq, ça ne nous fait plus désormais que deux heures chacun, ce qui ménage fortement le repos de l'équipage.

 

Des amis précieux à terre

Quotidiennement, nous faisons le point à midi : on note notre position sur la carte, on remplit le livre de bord, on évalue combien de milles il reste et combien de temps ça va prendre. Nous envoyons notre position par le téléphone satellite à Guéna et Gildas, nos amis de Noirmoutier, qui en avertissent nos parents. Chaque jour, ils nous envoient la météo des jours à venir ainsi que leurs conseils de navigation car ils ont une vue globale des anticyclones et des dépressions. En mer, loin de tout et de tout contact, chaque sonnerie du téléphone est un événement. Fritz s'amuse à nous imiter en criant ''message, message'' ! C'est l'hystérie ! Nous recevons aussi des messages des autres batocopains partis en transat' comme nous qui nous envoient leur position Nous avons aussi des nouvelles de ceux qui partent de Miami, de ceux qui déjeunent sur leur bateau devant la statue de la liberté en arrivant à New York, de ceux qui rallient Cadix après leur traversée retour ou encore qui redescendent au Marin. Tous ces textos nous rapprochent du monde et nous rassurent. Nous savons qu'en cas de problème, nous pouvons joindre d'autres bateaux, des amis à terre ou des secours.

 

Des conditions rêvées

Comme prévu, nous faisons d'abord route vers le nord en nous rapprochant des Bermudes et en prenant bien soin de ne pas nous perdre dans le fameux triangle. Nous sommes au près mais la mer est calme et le bateau avance sans taper dans la vague. On alterne entre petit vent et pétole ( absence de vent ) avec l'incertitude de savoir si on aura assez de gasoil pour tenir. On s'habitue petit à petit à la gite ( nous sommes penchés à babord). La préparation des repas tient toujours du défit car il faut tout tenir pour éviter que ça tombe et on n'a malheureusement que deux mains. Inutile de vouloir peser la farine, aucune balance ne fonctionne autrement qu'à l'horizontal ! Quand nous traversons des zones de calme plat, on en profite pour ranger le bateau, faire le ménage et préparer des repas à l'avance avant que ça ne recommence. Nous avons pu lancer le spi une journée. Il nous a fait avancer à six nœuds sur une mer d'huile, le pied ! L'équipage est unanime : cette traversée aura été notre meilleure navigation.

 

Ce ne serait pas une lumière qu'on voit là bas ?

C'est la nuit que l'on repère mieux les bateaux au loin. Un soir, nous apercevons une lumière verte. Nous tentons de le joindre à la VHF. Il répond en Allemand, c'est donc Fritz qui va tenir la conversation. Ce soir-là, il y aura deux bateaux germanophones sur le canal 16, de quoi faire plaisir à notre équipier.

C'est bien pratique pour nous d'avoir à bord quelqu'un qui maîtrise aussi bien l'anglais. A quelques jours du départ, nous avons été interpellé par un bateau qui avait aperçu un bateau retourné. Avant de se dérouter pour aller voir de plus près, il nous demandait de nous mettre en stand by. A la surprise générale, il s'agissait d'un 60 pieds open recouvert d'algues, un bateau de régate comme ceux du Vendée Globe.

Sur la route des Açores, nous avons croisé quelques pétroliers qui faisaient route vers New York ou le Vénézuéla, mais la plupart du temps, la ligne d'horizon restait désespérément vide.

 

Pas de problèmes techniques cette fois ci

Mis à part quelques petits bricolages quotidiens, nous n'avons pas eu à déplorer de problèmes techniques cette fois-ci. Les batteries ont super bien assuré et nous n'avons pas été obligé de nous restreindre en énergie. Le pilote a gentiment fait son boulot. A vrai dire, on ne l'a pas beaucoup touché de peur qu'il nous claque encore dans les doigts et nous l'avons éteint quelques minutes avant d'entrer dans le port d'Horta.

Personne n'est monté faire des réparations au mât. Seul Fritz y a été hissé, mais c'était juste pour faire des photos !

Expérience aidant, nous avions fait un avitaillement efficace. Nos produits frais ont tenu une bonne semaine. Nous avions encore du chou et des bananes achetées vertes au marché de Saint Martin quelques jours avant l'arrivée. Le frigo était plein à craquer et il nous restait encore aux Açores des tas de yaourts. Par contre, nous avions fait l'impasse sur le sel, mais en mer, ça ne manque pas franchement. Pour économiser nos derniers grains, nous avons cuit la plupart de nos féculents ainsi que le pain à l'eau de mer, ça fonctionne à merveille !

 

Des enfants au top de leur forme

Il ne nous viendrait pas à l'esprit d'enfermer trois enfants et trois adultes dans un si petit espace pendant trois semaines sans que ça ne crée quelques tensions. Et pourtant, nous avons tous bien vécu ces moments en s'aménageant des temps seuls, en organisant des jeux calmes. Les parties d'échecs, de puissance 4 et de petits chevaux ont rythmé les journées. Les grandes ont terminé les quelques séances de CNED qui leur restait et l'année a été bouclée. Maintenant que les trois enfants sont lecteurs, ça aide … Jeanne s'est littéralement enfilé une tonne de livres ( grâce au kindle chargé à bloc à Saint Martin), Philippine a suivi l'exemple de sa sœur et le moussaillon n'était pas non plus en reste puisqu'il peut passer des heures sur ses bouquins.

Les quarts de nuit sont des moments privilégiés pour se ressourcer. Pendant que dort et rêve le reste de l'équipage, et que l'on a la mer et l'horizon en face de soi, on mesure notre chance.

 

Baleines et dauphins pour nous distraire

La cerise sur le gâteau fut certainement le spectacle offert par les baleines à bosses. Deux sauts majestueux, d'une puissance phénoménale...nous en sommes restés bouche bée pendant un bon moment dans un mélange d'admiration et d'inquiétude car même si on ne craint rien a priori, elles étaient vraiment tout près de notre ridicule embarcation !

Quant aux dauphins, ils nous ont suivi plusieurs jours sur la fin du voyage. Au début, nous avons passé notre temps à les regarder, mais comme ils restaient tout le temps avec nous, nous avons continuer à faire notre vie en les laissant jouer avec le bateau.

 

Une arrivée de nuit

Le temps est clair ce 6 juin lorsque nous apercevons la forme d'une île qui est pourtant à plus de 50 milles (100 km). Il nous tarde de mettre un pied à terre. Les enfants sont sur-excités mais le capitaine veut garder la tête froide : nous allons arriver de nuit, longer la côte, croiser des pêcheurs, peut-être devoir éviter des filets ou des bouées, et entrer dans un port que nous ne connaissons pas avec du vent. C'est lorsque la nuit tombe que nous commençons à sentir l'odeur de la terre. Au large, on ne sent rien, si bien au terme de nos 20 jours de navigation, c'est une explosion de parfums. Nous prenons notre dernier repas en mer et tout le monde se prépare, s'équipe et s'harnache pour les dernières manœuvres. Il est minuit lorsque nous avons fini d’amarrer Océanix. Sur le ponton en béton, il y des peintures laissées par les bateaux de passage. On a hâte de découvrir tout ça, mais un peu de sommeil ne nous fera pas de mal !