traversée de l'Atlantique 2012

31/12/2012 15:11

 

Expérience personnelle, familiale, amicale, nautique,.... de tous points de vue, la transat' restera un moment fort de notre voyage.

Partis de Mindelo au Cap Vert, nous prenons la mer dans l'émotion des au-revoir, en début d'après-midi le 6 décembre, en même temps que Zolugo, nos amis de Toulouse, qui naviguent sur le même bateau que nous. Très vite, nous nous perdons de vue , et alors commence notre traversée du désert !

 

La transat' dans un transat'

Notre ami Gilles est d'un enthousiasme à toute épreuve ( et Dieu sait que nous lui en avons réservés, des épreuves !) . Avant le départ, je me préparais au même genre de traversée que celle qui nous avait conduit au Cap vert : j'ai donc préparé les repas des trois premiers jours, au cas où... Gilles n'y croit pas : pour lui, une transat' ce sont des Alizés bien établis, un vent constant, une houle longue et un bateau qui glisse au portant , bref, celle qui a donné son nom au fauteuil de jardin où l'on prend doucement le soleil. Nous avions un peu raison tous les deux : les premiers jours , la houle est plutôt confortable et le vent bien régulier. Nous avons le temps de nous amariner tranquillement avant de traverser trois à quatre jours de houle pénible ( transat' version rocking-chair ou balancelle), de sorte qu'il n'y a eu heureusement aucun malade à déplorer .

 

La route la plus courte est-elle la meilleure ?

Entre Cap vert et Antilles, la route la plus courte s'appelle l'orthodromie et mesure 2075 milles, soit plus de 4000 km. En mer , voyant arriver une dépression suivie de deux jours de pétole (sans vent), nous avons pris l'option de descendre plus au sud que prévu. Nous faisons donc route du 16ème vers le15ème, le 14ème, toujours pour rester dans les beaux quartiers. Arrivés au 12ème parallèle , nous étions plus près de la Guyane que de La Martinique . Comme nous n'avions pas prévu d'aller au Brésil, il a fallu remonter. Au final, nous nous sommes rallongés de 400 miles, sommes arrivés après les autres, mais pas mécontents de ne pas avoir eu à affronter les claques à 40 nœuds.

 

Décalage horaire

Plus nous avançons, plus nous remontons le temps. Au total, il nous faudra retirer 4 heures. Nous décidons de décaler l'horloge d'une heure tous les trois ou quatre jours pour être à peu près synchro avec l'heure des Antilles. Pour moi qui refuse de porter une montre depuis notre départ, il y avait de quoi se perdre : je ne savais jamais de quelle heure il était question.

 

La mer à perte de vue, et plein de poissons dedans !

Les poissons volants s'éclatent. Tous les matins, nous en retrouvons plusieurs sur le pont. Un soir, allongé hublot ouvert dans sa cabine, Jérôme en reçoit un sur la tête. Un autre jour, c'est sur l'épaule de Jeanne qu'un exocet vient finir sa course. En nettoyant le bateau à l'arrivée, nous en avons même retrouvé un dans la cabine de Gilles, caché dans le tiroir à chaussures.

Et puis, il y a eu l'épisode baleine ! Jeanne était à la barre lorsque nous l 'avons entendu crier : nous frôlions une baleine. Notre première réaction , avant de regarder l'engin, a été de gronder Jeanne pour qu'elle arrête de s'énerver... tout ça sous l’œil amusé de Gilles qui nous a rappelé quand même qu'elle venait de voir le plus gros mammifère marin à quelques centimètres de son bateau !

Tout le monde pêche en transat', il fallait qu'on y arrive. Deux lignes furent donc accrochées à la traîne avec des poulpes comme appâts. Jour après jour, nous remontions des leurres croqués, signes que nous avions des touches ! Nous en perdions régulièrement et au final, nous n'en n'avions plus un seul entier. Dans un dernier élan, Gilles bricole un poulpe avec le corps orange et un belle perruque bleue....et ça marche : une magnifique daurade coryphène que nous mangerons pendant deux jours ! Le moral des troupes est au plus haut. Génial et délicieux !

 

Des moments de grâce

Nous n'avons jamais eu autant conscience du temps qui passe et du chemin parcouru. Chaque lever ou coucher du soleil était un événement en soi. Loin de toute civilisation, nous avons vécu au plus près de la nature. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les journées sont très remplies : il faut faire avancer le bateau, occuper les enfants, préparer les repas ( en prévoyant le double de temps qu'à terre à cause de la gîte), et faire des siestes pour récupérer des nuits de veille. La nuit, même si c'est difficile de sortir de son lit pour aller se mettre à la barre, on vit tout de même des moments uniques qu'il est bon de savourer un peu seul : les pluies d'étoiles filantes, les vols de poissons volants, le sauts de dauphins, les lumières incroyables...

Je suis pour ma part encore émerveillée que nous ayons pu traverser cet océan juste avec le souffle du vent !

 

Y a -t-il un pilote dans ce bateau ?

Deux jours après le départ, le pilote donne des signes de fatigue. Le vérin est pourtant neuf, il devrait fonctionner... De temps en temps, il s'arrête. Jérôme resserre le boulon de l'électrovanne et il repart... bizarre.

Ensuite ce sont les batteries. Notre parc date de l'été dernier. Pourtant, elles ne tiennent pas la charge. Nous convenons donc de les économiser au maximum et de donner la priorité aux instruments de navigation, au téléphone satellite, à la prise de météo et au pilote. Bientôt nous ne pouvons plus faire de froid : nous mangeons donc vite le contenu du frigo et je fais un maximum de gâteaux avec tout le beurre qui nous restait, de quoi faire plaisir aux gourmands du bord. Les batteries tiendront jusqu'à l'arrivée grâce au pilote....qui nous lâche !!!! Là, c'est l'épreuve que tous les bateaux redoutent. Sans pilote, la navigation est beaucoup plus fatigante. A notre allure ( au largue), il n'est pas possible de quitter la barre un instant, de jour comme de nuit. Les cinq derniers jours, il faut se relayer sans cesse. Nous réduisons les quarts à deux heures pour ménager la fatigue de chacun. A partir de ce moment là, tout le monde a vraiment hâte d'arriver.

Au chapitre des petits soucis techniques, ajoutons aussi le point d'amure du génois qu'il a fallu recoudre ainsi que la manche à air bâbord qui est partie à l'eau une nuit ( Jérôme a cru qu'un gros poisson blanc avait traversé le pont) .

Mais comme disait Gilles, '' tant qu'on a un mât, des voiles et un safran, on est bien ! ''

 

Et les enfants dans tout ça ?

Nous avions pris de l'avance dans les cours des filles en prévision de la traversée et des fêtes de fin d'année. Finalement, les conditions étant clémentes, elles ont pu travailler tous les matins , ce qui avait l'énorme avantage d'occuper leur emploi du temps. Sans l'aide des batteries, il n'était plus question de regarder des films, donc la lecture a pris une place importante, et les livres échangés avec les autres bateaux étaient les bienvenus. Jean-Camille était lui aussi très demandeur de fiches, pour faire des ''séances'' comme ses sœurs. Son papa lui a appris les échecs et il s'est bien pris au jeu.

 

Quand le spi s'emballe !

Notre allure est idéale pour lancer le spi. Pour plus de sécurité, nous l’affalons grâce à sa chaussette quand la nuit tombe pour qu'il n'y ait pas de souci la nuit.

Un soir, le bout de la chaussette lâche. Le lendemain, Gilles monte en haut du mât pour voir ce qui s'y passe. Il s'avère que c'est le réa qui est cassé ( ce fameux bout de plastique retrouvé  dans le cokpit à Mindelo …). Le changer en navigation s'avère périlleux, car même par mer calme, là haut, ça balance ! Jérôme montera donc deux fois pour y accrocher la drisse de spi avec un mousqueton qui tiendra trois jours, juste pour nous le temps d'arriver.

En voulant descendre la chaussette, Jérôme se prend le pied dans le va et vient et les écoutes du génois. Du cockpit où nous discutions tranquillement, on le voit suspendu par le pied nous criant ''couteau ''. Gilles a réussi à libérer son pied et il s'en sort avec quelques écorchures et une bonne frayeur. Sans son gilet harnaché à la ligne de vie, il tombait à l'eau et là, c'était une autre histoire …

 

 

15 ans de mariage en plein milieu de l'océan

C'était à l'île d'Yeu, dans la petite chapelle de la Meule, entourés de nos parents et amis, nous chantions :

« Contre vents et marées, Oser prendre le large ... »

15 ans après, nous y sommes et nous l'avons fait !

Comment ça c'est du sens figuré ?

 

Mais où sont les autres ?

De nombreux bateaux profitent des alizés pour traverser à cette périodes de l'année. Pour autant , l'Atlantique n'est pas une autoroute. Certaines nuits, nous avons aperçu des feux de navigation d'autres bateaux, mais nous avons passé au plus cinq jours sans voir d'autres embarcations. Personne à bord ne s'en est angoissé. Nous avions l'iridium et les numéros des batocopains pour nous rassurer, si bien que nous ne nous sommes jamais sentis en insécurité.

Dès que nous avons distingué les lumières de la Martinique, nous avons aussi pu voir d'autres mâts, mais pour ma part, sans grand enthousiasme. Ces 17 jours en mer nous auraient-ils rendus sauvages ? Il faut dire que le Marin est le plus gros port des Caraïbes avec plus de 1500 bateaux.... le choc !

Arrivés le 23, nous voyons partir Gilles, non sans émotion : Il a contribué à rendre cette traversée plus légère et nous a offert des moments de franche rigolade . Nous qui étions prêts à traverser seuls, on se demande maintenant comment nous aurions fait sans lui.

Nous réussissons à rentrer au port le soir du 24 et fêtons notre arrivée le 25 sur la plage de Saint Anne avec les amis. Ça fait malgré tout du bien de retrouver la terre ferme !